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Sự khủng hoảng của con người
Les hommes de mon âge en France et en Europe sont nés juste avant ou pendant la première grande guerre, sont arrivés à l'adolescence au moment de la crise économique mondiale et ont eu 20 ans I'année de la prise de pouvoir par Hitler. Pour compléter leur éducation, on leur a offert ensuite la guerre d'Espagne, Munich, la guerre de 1939, la défaite et quatre années d'Occupation et de luttes clandestines. Je suppose donc que c'est ce qu'on appelle une génération intéressante. Et que justement, iI sera plus intéressant pour vous que je parle, plutôt qu'en mon nom personnel, au nom d'un certain nombre de Francais qui ont aujourd'hui 30 ans et qui ont formé leur intelligence et leur coeur pendant les années terribles où, avec leur pays, ils se sont nourris de honte et ont vécu de révolte. 
Camus: Diễn văn đọc tại McMillin Theater, Đại học Columbia  (New York, 28 Tháng Ba, 1946)
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Đoạn mở ra bài diễn văn trên, Camus đã từng cô đọng lại, và Gấu đã từng được đọc, đúng vào lúc vừa mới lớn, và không làm sao rứt nó ra khỏi cái đầu của mình, [nhưng chẳng thể nào nhớ, nó nằm trong tác phẩm nào của Camus]:

Tôi lớn lên cùng với những người cùng tuổi, cùng với tiếng trống trận của cuộc Đệ Nhất Thế Chiến, và lịch sử, từ đó, không ngừng chỉ là, sát nhân, bất công, và bạo lực.
J'ai grandi avec tous les hommes de mon âge, aux tambours de la première grande guerre, et l'histoire, depuis, n'a pas cessé d'être meurtre, injustice, et violene.

Ui chao, một thằng bé học trường Mít, vừa mới bắt đầu bước vào cái tuổi đẹp nhất của cuộc đời, mà vớ phải câu trên, trong khi chờ đợi tham dự một cuộc chiến, thì có... thảm không cơ chứ!
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Cuộc khủng hoảng của con người

Những người cùng thế hệ của tôi, tại Pháp, và tại Âu Châu, sinh ra đúng trước, hay trong, Cuộc Đệ Nhất Thế Chiến, và tới tuổi “adolescence” của mình, đúng lúc xẩy ra cuộc khủng hoảng kinh tế toàn thế giới, và sống 20 năm, tính từ khi  Hitler lên cầm quyền. Để hoàn tất học vấn, người ta ban cho chúng tôi sau đó, cuộc chiến Tây Ban Nha, Munich, cuộc chiến 1939, cuộc thất trận, và bốn năm sống dưới sự chiếm đóng [của Nazi] và kháng chiến [lutes clandestines]. Tôi cứ cho rằng, như thế, đây là một thế hệ thích thú [intéressante].


La Crise de l'Homme
Sự khủng hoảng của con người

Les hommes de mon âge en France et en Europe sont nés juste avant ou pendant la première grande guerre, sont arrivés à l'adolescence au moment de la crise économique mondiale et ont eu 20 ans l'année de la prise de pouvoir par Hitler. Pour compléter leur éducation, on leur a offert ensuite la guerre d'Espagne, Munich, la guerre de 1939, la défaite et quatre années d'Occupation et de luttes clandestines. Je suppose donc que c'est ce qu'on appelle une génération intéressante. Et que justement, iI sera plus intéressant pour vous que je parle, plutôt qu'en mon nom personnel, au nom d'un certain nombre de Francais qui ont aujourd'hui 30 ans et qui ont formé leur intelligence et leur coeur pendant les années terribles où, avec leur pays, ils se sont nourris de honte et ont vécu de révolte.
Qui, c'est une génération intéressante et d'abord parce qu'en face du monde absurde que ses ainés lui fabriquaient, elle ne croyait à rien et elle vivait dans la révolte.
La littérature de son temps, le surréalisme en particulier, était en révolte contre la clarté, Ie récit et la phrase elle-même. La peinture était abstraite, c'est-à-dire qu'elle était en révolte contre Ie sujet et la réalité. La musique refusait la mélodie. Quant à la philosophie, elle enseignait qu'il n'y avait pas de vérité, mais simplement des phénomènes, qu'il pouvait y avoir Mr. Smith, M. Durand, Herr Vogel, mais rien de commun entre ces trois phénomènes particuliers. Quant à l'attitude morale de cette génération, elle était encore plus catégorique : Ie nationalisme lui paraissait une vérité dépassée, la religion un exil, vingt-cinq ans de politique internationale lui avait appris à douter de toutes les puretés, et à penser que personne n'avait jamais tort ou raison. Quant à la morale traditionnelle de notre société, elle nous paraissait ce qu'elle n'a pas cessé d'être, c'est-à-dire une monstrueuse hypocrisie.
Ainsi, nous étions donc dans la négation. Bien entendu, ce n'était pas nouveau.
D'autres générations, d'autre pays ont vécu à d'autres périodes de I'Histoire cette expérience. Mais ce qu'il y a de nouveau, c'est que ces mêmes hommes, étrangers à toutes valeurs, ont eu à règler leur position personnelle par rapport à la guerre d'abord, et par rapport ensuite au meurtre et à la terreur. C'est à cette occasion qu'ils ont eu à penser qu'il existait peut-être une Crise de l'Homme, parce qu'ils ont eu à vivre dans la plus déchirante des contradictions. Car ils sont entrés, en effet, dans la guerre, comme on entre dans l'Enfer, s'il est vrai que l'Enfer est le reniement. Ils n'aimaient ni la guerre ni la violence; ils ont dû accepter la guerre et exercer la violence. Ils n'avaient de haine que pour la haine. Il leur a fallu pourtant apprendre cette difficile science.
Après quoi, il leur a fallu s'occuper de la terreur ou plutôt la terreur s'est occupée d'eux. Et ils se sont trouvés devant une situation que, plutôt que de caractériser dans le général, je voudrais illustrer par quatre histoires courtes d'un temps que le monde a commencé d'oublier mais qui nous brûle encore le cœur.
1) Dans l'immeuble de la Gestapo d'une capitale européenne, après une nuit d'interrogatoire, deux inculpés encore sanglants se trouvent ligotés et la concierge de l'immeuble [fait soigneusement le ménage], le cœur en paix puisqu'elle a pris sans doute son petit déjeuner. Au reproche d'un des torturés, elle répond avec indignation une phrase qui, traduite en français, donnerait à peu près ceci: «Je ne m'occupe jamais de ce que font mes locataires. »
2) À Lyon, un de mes camarades est tiré de sa cellule pour un troisième interrogatoire. Comme on lui a déchiré les oreilles, lors d'un interrogatoire précédent, il porte un pansement autour de la tête. L'officier allemand qui le conduit est le même qui a assisté déjà aux premières séances et c'est pourtant lui qui demande avec une nuance d'affection et de sollicitude dans la voix: « Alors, comment vont ces oreilles? »
3) En Grèce, à la suite d'une opération des Maquis, un officier allemand se prépare à faire fusiller trois frères qu'il a pris comme otages. La vieille mère se jette à ses pieds et il consent à en épargner un seul, mais à condition qu'elle le désigne elle-même. Comme elle ne peut se décider, on les met en joue. Elle a choisi l'aîné, parce qu'il était chargé de famille, mais du même coup, elle a condamné les deux autres comme le voulait l'officier allemand.
4) Un groupe de femmes déportées parmi lesquelles se trouve une de nos camarades, est rapatrié en France par la Suisse. À peine entrées sur le territoire suisse, elles aperçoivent un enterrement civil. Et ce seul spectacle les jette dans un fou rire hystérique: « C'est comme cela qu'on traite les morts ici », disent-elles.
Si j'ai choisi ces histoires, ce n'est pas à cause de leur caractère sensationnel, je sais qu'il faut épargner la sensibilité du monde et qu'il préfère le plus souvent fermer les yeux pour garder sa tranquillité. Mais c'est parce qu'elles me permettent de répondre autrement que par un « oui» conventionnel à la question: « Y a-t-il une Crise de l'Homme? » Elles me permettent de répondre comme ont répondu tous les hommes dont je parlais: « Oui, il y a une Crise de l'Homme, puisque la mort ou la torture d'un être peut dans notre monde être examinée avec un sentiment d'indifférence ou d'intérêt amical ou d'expérimentation ou de simple passivité. »

Oui, il y a une Crise de l'Homme, puisque la mise à mort d'un être peut être envisagée autrement qu'avec l'horreur et le scandale qu'elle devrait susciter, puisque la douleur humaine est admise comme une servitude un peu ennuyeuse au même titre que le ravitaillement ou l'obligation de faire la queue pour obtenir le moindre gramme de beurre.

Il est trop facile, sur ce point, d'accuser seulement Hitler et de dire que la bête étant morte, le venin a disparu. Car nous savons bien que le venin n'a pas disparu, que nous le portons tous dans notre cœur même et que cela se sent dans la manière dont les nations, les partis et les individus se regardent encore avec un reste de colère. J'ai toujours pensé qu'une nation était solidaire de ses traîtres comme de ses héros. Mais une civilisation aussi. Et la civilisation occidentale blanche, en particulier, est responsable de ses perversions comme de ses réussites. De ce point de vue, nous sommes tous solidaires de l'hitlérisme et nous devons rechercher les causes plus générales qui ont rendu possible ce mal affreux qui s'est mis à ronger le visage de l'Europe.

Cette crise générale, des esprits plus élevés pourraient en faire le sujet de discours édifiants. Mais la génération dont je parle sait bien que cette crise n'est ni ceci ni cela: elle est seulement la montée de la terreur consécutive à une perversion des valeurs telle qu'un homme ou une force historique n'ont plus été jugés en fonction de leur dignité, mais en fonction de leur réussite. La crise moderne tient tout entière dans le fait qu'aucun Occidental n'est assuré de son avenir immédiat et que tous vivent avec l'angoisse plus ou moins précise d'être broyés d'une façon ou l'autre par l'Histoire. Si l'on veut que cet homme misérable, ce Job* des Temps Modernes, ne périsse pas de ses plaies, au milieu de son fumier, il faut d'abord lever cette hypothèque de la peur et de l'angoisse afin qu'il retrouve la liberté de l'esprit sans laquelle il ne résoudra aucun des problèmes qui se posent à la conscience moderne.

Voilà ce que les hommes de ma génération ont compris, et voilà la crise devant laquelle ils se sont trouvés et où ils se trouvent. Et nous devrions la résoudre avec les valeurs dont nous disposions, c'est-à-dire avec rien, sinon la conscience de l'absurdité où nous vivions. C'est ainsi qu'il nous a fallu entrer dans la guerre, sans consolation et sans certitude. Nous savions seulement que nous ne pouvions pas céder aux bêtes qui s'élevaient aux quatre coins de l'Europe. Mais nous ne savions pas justifier cette obligation où nous étions. Bien plus, les plus conscients d'entre eux s'apercevaient qu'ils n'avaient encore dans la pensée aucun principe qui pût leur permettre de s'opposer à la terreur et de désavouer le meurtre.

Car si l'on ne croit à rien, en effet, si rien n'a de sens et si nous ne pouvons affirmer aucune valeur, alors tout est permis et rien n'a d'importance. Alors, il n'y a ni bien ni mal, et Hitler n'a eu tort, ni raison. On peut passer des millions d'innocents au four crématoire comme on peut se dévouer à soigner les lépreux. On peut déchirer les oreilles d'une main, pour les flatter de l'autre. On peut faire son ménage devant des torturés. Et on peut aussi bien honorer les morts que les jeter à la poubelle. Tout cela est équivalent. Et puisque nous pensions que rien n'a de sens, il fallait conclure que celui qui a raison, c'est celui qui réussit, et qu'il a raison pendant le temps qu'il réussit. Et c'est si vrai qu'aujourd'hui encore des tas de gens intelligents et sceptiques vous déclarent que si par hasard Hitler avait gagné cette guerre, l'Histoire lui aurait rendu hommage et aurait consacré l'atroce piédestal sur lequel il s'était juché. Et nous ne pouvons pas douter en vérité que l'Histoire telle que nous la concevons, aurait consacré M. Hitler et justifié la terreur et le meurtre comme nous le consacrons et les justifions au moment où nous osons penser que rien n'a de sens.

Quelques-uns parmi nous, il est vrai, ont cru pouvoir penser qu'en l'absence de toute valeur supérieure, on pouvait croire du moins que l'Histoire avait un sens. Dans tous les cas, ils ont souvent agi comme s'ils le pensaient. Ils disaient que cette guerre était nécessaire parce qu'elle liquiderait l'ère des nationalismes et qu'elle préparerait le temps des Empires auxquels succède rait, après conflits ou non, la Société universelle et le Paradis sur terre.

Mais pensant cela, ils arrivaient au même résultat que s'ils avaient pensé comme nous que rien n'avait de sens. Car si l'Histoire a un sens, c'est un sens total ou ce n'est rien. Ces hommes pensaient et agissaient comme si l'Histoire obéissait à une dialectique souveraine et comme si nous nous dirigions tous ensemble vers un but définitif: Ils pensaient et agissaient suivanlle détestable principe de Hegel:

« L'Homme est fait pour l'Histoire et non l'Histoire pour l'Homme. » En vérité, tout le réalisme politique et moral qui guide aujourd'hui les Destinées du Monde obéit, souvent sans le savoir, à une philosophie de l'Histoire à l'allemande, selon laquelle l'humanité entière se dirige selon des voies rationnelles vers un Univers définitif: On a remplacé le nihilisme par le rationalisme absolu et dans les deux cas, les résultats sont les mêmes. Car s'il est vrai que l'Histoire obéit à une logique souveraine et fatale, s'il est vrai selon cetle même philosophie allemande que l'État féodal doit fatalement succéder à l'état anarchique, puis les nations à la féodalité, elles empires aux nations pour aboutir enfin à la Société universelle, alors tout ce qui sert cette marche fatale est bon et les accomplissements de l'Histoire sont les vérités définitives.

Et comme ces accomplissements ne peuvent être servis que par les moyens ordinaires qui sont les guerres, les intrigues et les meurtres individuels et collectifs, on justifie tous les actes non pas en ce qu'ils sont bons ou mauvais, mais en ce qu'ils sont efficaces ou non.

Et c'est ainsi que dans le monde d'aujourd'hui les hommes de ma génération ont été livrés pendant des années à la double tentation de penser que rien n'est vrai ou de penser que seul est vrai l'abandon à la fatalité historique. C'est ainsi que beaucoup

* Ndlr : Job est un héros biblique, qui incarne l'homme juste touché par le malheur ct qui demande des comptes à Dieu. Cf Livre de Job dans l'Ancien Testament.