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 Buổi chiều đứng trên bãi Wasaga
Nhìn hồ Georgian
Cứ nghĩ thềm bên kia là quê nhà.
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La barbarie a été prépondérante, particulièrement dans le contexte de l'humanisme chrétien, de la culture de la Renaissance et du rationalisme classique ». 
G. Steiner

Cái dã man thì nổi trội, đặc biệt trong nội dung nhân bản Ky Tô, văn hóa thời Phục Hưng và trong chủ nghĩa thuần lý cổ điển.

Je pense que tout discours sur Einstein, à l'occasion du centenaire de sa naissance, doit prendre son point de départ dans l'événement qui a marqué son époque, c'est-à-dire l'holocauste, ses causes et le terrain culturel dont il s'est alimenté.
Bruno Zevi, Rome

Tôi nghĩ là, mọi diễn văn về Einstein, nhân kỷ niệm 100 năm ngày sinh của ông, thì phải khởi đi từ sự kiện đánh dấu thời của ông, nghĩa là, khởi từ Lò Thiêu, những nguyên nhân và mảnh đất văn hóa đã đẻ ra nó.


ARCHITECTURE
ET ESPACE-TEMPS EINSTEINIENS

par Bruno Zevi, Rome
Traduit de l'italien par Flaminia de Bonis et Noémi Halpérin Spierer

Accordez-moi en guise d'introduction, apparemment hors du sujet, de vous citer Georges Steiner dans son ouvrage « Language and silence ». Il consacre un grand nombre de pages à l'expériennce de l'inhumain, aux camps d'extermination nazis, à l'organisation méthodique, froidement calculée dans chaque détail, du meurtre de masse à la technologie des chaînes de montage de la mort. Puis il commente: « La barbarie a été prépondérante, particulièrement dans le contexte de l'humanisme chrétien, de la culture de la Renaissance et du rationalisme classique ».  Je répète, dans le contexte de l'humanisme chrétien, de la culture de la Renaissance et du rationalisme classique.
Je pense que tout discours sur Einstein, à l'occasion du centenaire de sa naissance, doit prendre son point de départ dans l'événement qui a marqué son époque, c'est-à-dire l'holocauste, ses causes et le terrain culturel dont il s'est alimenté. Avant d'entreprendre le débat scientifique ou celui du rapport entre la pensée d'Einstein et l'art, il est nécessaire de se poser une question angoissante, traumatisante: 1944 - 1979.
Est-ce que pendant ces trente-cinq années, le terrain culturel a changé? Notre manière d'interpréter le monde, notre coutume existentielle, nos conventions sociales et politiques, ne se basenttelles pas encore essentiellement sur l'humanisme chrétien, sur la culture de la Renaissance et sur le rationalisme classique? Si les révolutions scientifiques et artistiques ont laissé leurs empreintes dans les laboratoires, dans les musées, dans les livres et dans les universités ont-elles réussi à investir la vie quotidienne? A notre époque, nous avons assisté à de nombreuses révolutions scientifiiques et artistiques. Il suffit d'en mentionner trois: La relativité d'Einstein, l'analyse de l'inconscient de Freud et la théorie de la dissonance de Schoenberg. Révolutions sans doute gagnantes dans les secteurs disciplinaires, dans la physique, dans la psychologie, dans la musique, mais toutefois largement étrangères à la pratique quotidienne de la pensée et du vivre, car la pratique continue à s'appuyer sur des conceptions religieuses millénaires, sur des idéaux abstraits de l'harmonie, de la proportion, de la consonance et sur des dogmes d'origine illuministe.
Après 35 années, le terrain culturel d'où est née et s'est développée la technologie de l'extermination, est resté essentiellement le même. L'holocauste peut donc se répéter et à plus grande échelle. Le spectre d'Einstein tourmenté s'érige menaçant dans nos consciences. Le temps presse, l'espace-temps davantage. Une réflexion sur l'architecture n'est valable que dans ce cadre dramatique. Le quotidien n'appartient qu'à un cadre aussi tangible qui le conditionne. Si nous nous demandons quelle influence a exercé la pensée d'Einstein sur nos maisons, sur les villes et sur le paysage, nous pouvons mesurer le chemin qui nous reste encore à parcourir. En apparence, l'espace-temps d'Einstein a été assimilé dans l'art et dans l'architecture et à ce propos, nous pouvons en souligner quelques coïncidences chronologiques:

1905. Einstein expose la théorie de la relativité restreinte, la fondation à Dresde de «Die Brücke », l'exposition des « Fauves» au salon d'automne de Paris. En architecture, des événements fondamentaux: les maisons « Battlo », et « Mila » à Barcelone, de Antoni Gaudi, la Banque postale de Vienne de Otto Wagner, le Palais Stoclet à Bruxelles, de Joseph Hoffmann, le premier pont en ciment armé monolithique sur la Tananasa en Suisse de Robert Maillard, le château d'Orgaval près de Morsang-sur-Orge de Hector Guimard.

1916. Théorie de la relativité générale. Alors que Franz Kafka écrit les « Métamorphoses », Freud publie « Introduction à l'étude de la Psychanalyse », de Saussure développe son cours de linguistique. En architecture, Eugène Freyssinet érige les hangars d'Orly, Frank Lloyd Wright projette l'Impérial Hôtel à Tokio, et les Etats-Unis approuvent le National Parks Service Act et le hollandais Théo van Dœssburg élabore quelques idées qui seront divulguées l'année d'après dans la revue « De Stijl ».



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"I've Done My Share”

JANUARY 30, 1933, SHORTLY after Einstein and Elsa arrived again in Pasadena, Adolf Hitler was made the new Chancellor of Germany. Less than a month later, the Reichstag was in flames. The Nazis claimed that leftists had set the fire, providing a pretext for Hitler to suspend civil liberties in Germany and over time establish his dictatorship. Europe's fate was sealed. Though he wasn't yet entirely ready to accept it, so was Einstein's.
On March 10, in remarks reported worldwide, Einstein spoke to a journalist in California. "As long as I have any choice in the matter," he said, "I shall live only in a country where civil liberty, tolerance and equality of all citizens before the law prevail. These conditions do not exist in Germany at the present time." One day later, with his second stay at Caltech completed, he and his wife were on a train headed for New York City, where they would board a ship bound for Antwerp, Belgium. But despite his widely reported words, he still planned to make his way ultimately to Berlin. En route cross-country he and Elsa learned that Nazi storm troopers had ransacked their Berlin apartment. In New York the German consul warned Einstein: "If you go to Germany, Albert, they'll drag you through the streets by the hair."
Even so, he and his wife boarded ship for home. Did Einstein still somehow hope that Hitler might retract his claws? By that time even Elsa's daughters had fled Germany. While they were crossing the Atlantic, the Einsteins got word that their house in Caputh had also been raided by the Nazis on the improbable suspicion that it was being used to store weapons for the communists. Incriminating evidence was produced-a bread knife. Next Einstein's sailboat was seized on the grounds that it could be used for smuggling. Now at last he was certain. He could not
return. 

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Hommage à Albert Einstein
à l'occasion du centenaire de sa naissance [1979]
Cahier Maieutique N# 17

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Biển

 Buổi chiều đứng trên bãi Wasaga
Nhìn hồ Georgian
Cứ nghĩ thềm bên kia là quê nhà.

Sóng đẩy biển lên cao, khi xuống kéo theo mặt trời
Không gian bỗng đỏ rực rồi đêm tối trùm lên tất cả

Cát ở đây được con người chở từ đâu tới
Còn ta bị quê hương ruồng bỏ nên phải đứng ở chốn này

Số phận còn thua hạt cát.

Hàng cây trong công viên bên đường nhớ rừng
Cùng thi nhau vươn cao như muốn trút hết nỗi buồn lên trời

Chỉ còn ta cô đơn lẫn vào đêm
Như con hải âu già
Giấu chút tình sầu
Vào lời thì thầm của biển...

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ARCHITECTURE

ET ESPACE-TEMPS EINSTEINIENS

par Bruno Zevi, Rome

Traduit de l'italien par Flaminia de Bonis et Noémi Halpérin Spierer

Accordez-moi en guise d'introduction, apparemment hors du sujet, de vous citer Georges Steiner dans son ouvrage « Language and silence ». Il consacre un grand nombre de pages à l'expériennce de l'inhumain, aux camps d'extermination nazis, à l'organisaation méthodique, froidement calculée dans chaque détail, du meurtre de masse à la technologie des chaînes de montage de la mort. Puis il commente: « La barbarie a été prépondérante, particulièrement dans le contexte de l'humanisme chrétien, de la culture de la Renaissance et du rationalisme classique ». Je répète, dans le contexte de l'humanisme chrétien, de la culture de la Renaissance et du rationalisme classique.
Je pense que tout discours sur Einstein, à l'occasion du centenaire de sa naissance, doit prendre son point de départ dans l'événement qui a marqué son époque, c'est-à-dire l'holocauste, ses causes et le terrain culturel dont il s'est alimenté. Avant d'entreprendre le débat scientifique ou celui du rapport entre la pensée d'Einstein et l'art, il est nécessaire de se poser une question angoissante, traumatisante: 1944 - 1979.
Est-ce que pendant ces trente-cinq années, le terrain culturel a changé? Notre manière d'interpréter le monde, notre coutume existentielle, nos conventions sociales et politiques, ne se basenttelles pas encore essentiellement sur l'humanisme chrétien, sur la culture de la Renaissance et sur le rationalisme classique? Si les révolutions scientifiques et artistiques ont laissé leurs empreintes dans les laboratoires, dans les musées, dans les livres et dans les universités ont-elles réussi à investir la vie quotidienne? A notre époque, nous avons assisté à de nombreuses révolutions scientifiiques et artistiques. Il suffit d'en mentionner trois: La relativité d'Einstein, l'analyse de l'inconscient de Freud et la théorie de la dissonance de Schoenberg. Révolutions sans doute gagnantes dans les secteurs disciplinaires, dans la physique, dans la psychologie, dans la musique, mais toutefois largement étrangères à la pratique quotidienne de la pensée et du vivre, car la pratique continue à s'appuyer sur des conceptions religieuses millénaires, sur des idéaux abstraits de l'harmonie, de la proportion, de la consonance et sur des dogmes d'origine illuministe.
Après 35 années, le terrain culturel d'où est née et s'est développée la technologie de l'extermination, est resté essentiellement le même. L'holocauste peut donc se répéter et à plus grande échelle. Le spectre d'Einstein tourmenté s'érige menaçant dans nos consciences. Le temps presse, l'espace-temps davantage. Une réflexion sur l'architecture n'est valable que dans ce cadre dramatique. Le quotidien n'appartient qu'à un cadre aussi tangible qui le conditionne. Si nous nous demandons quelle influence a exercé la pensée d'Einstein sur nos maisons, sur les villes et sur le paysage, nous pouvons mesurer le chemin qui nous reste encore à parcourir. En apparence, l'espace-temps d'Einstein a été assimilé dans l'art et dans l'architecture et à ce propos, nous pouvons en souligner quelques coïncidences chronologiques:

1905. Einstein expose la théorie de la relativité restreinte, la fondation à Dresde de «Die Brücke », l'exposition des « Fauves» au salon d'automne de Paris. En architecture, des événements fondamentaux: les maisons « Battlo », et « Mila » à Barcelone, de Antoni Gaudi, la Banque postale de Vienne de Otto Wagner, le Palais Stoclet à Bruxelles, de Joseph Hoffmann, le premier pont en ciment armé monolithique sur la Tananasa en Suisse de Robert Maillard, le château d'Orgaval près de Morsang-sur-Orge de Hector Guimard.

1916. Théorie de la relativité générale. Alors que Franz Kafka écrit les « Métamorphoses », Freud publie « Introduction à l'étude de la Psychanalyse », de Saussure développe son cours de linguistique. En architecture, Eugène Freyssinet érige les hangars d'Orly, Frank Lloyd Wright projette l'Impérial Hôtel à Tokio, et les Etats-Unis approuvent le National Parks Service Act et le hollandais Théo van Dœssburg élabore quelques idées qui seront divulguées l'année d'après dans la revue « De Stijl ».

Examinons le célèbre traité de Siegfried Giedion «Space, Time, Architecture ». Einstein y est cité à propos de la recherche cubiste. On lit: «L'espace en physique moderne est conçu en relation à un point de vue mobile: non pas en tant qu'entité absolue et statique du système baroque de Newton. Et dans l'art moderne, pour la première fois depuis la Renaissance, une nouvelle conception de l'espace conduit à un enrichissement conscient de nos manières de percevoir l'espace.
Cette conception a trouvé sa réalisation la plus complète dans le cubisme. Les cubistes n'ont pas cherché à reproduire l'apparence des objets d'un point de vue unique. Ils tournaient tout autour des objets en cherchant à s'emparer de leur structure interne, le cubisme rompt avec la perspective de la Renaissance. Il considère les objets relativement: c'est-à-dire à partir de plusieurs points de vue, aucun de ces derniers n'ayant la prédomiinance absolue. En sectionnant les objets de cette façon, ils les voient simultanément de tous les côtés; en haut, en bas, à l'intérieur et à l'extérieur. Ils tournent tout autour des objets et ils les pénétrent dans leur intérieur. De telle manière, une quatrième dimension, « le Temps» vient s'ajouter aux trois dimensions de la Renaissance.
Une telle interprétation de l'espace-temps d'Einstein est très approximative du point de vue scientifique. Généralement les architectes ne l'ont ressentie que de manière indirecte grâce à l'art pictural, les peintres cubistes eux-mêmes ne l'ayant captée que dans les limites où elle pouvait leur servir à donner un aspect scientifique à leur recherche. Néanmoins, il s'est agit là d'un véritable tremblement de terre en ce qui concerne la vision architecturale. Avec le refus de la perspective, de ses points de fuite et surtout de son point d'observation s'écroulait l'échafaudage culturel de la Renaissance, l'architecture comprise en tant que « art du dessin» donc cernée et épuisée par la représentation graphique de trois dimensions spatiales sur une feuille à deux dimensions. L'homme, ankylosé et même paralysé par des siècles d'« un point de vue statique», pouvait enfin marcher et pouvait parcourir l'édifice dans tous les sens, du dehors et du dedans. Ainsi la construction de l'édifice s'affranchissait de la hiérarchie autoritaire de la façade monumentale, des côtés et de l'arrière qui étaient le reflet typique du privilège social et postulaient l'équivalence de tous ces aspects.
Le volume clos en boîte se désagrégeait et se soulevait de terrre pour être aussi observé par-dessous; ses parois deviennent transparentes en créant un échange continuel entre extérieur et intérieur.
Comme on le sait, le rationalisme architectonique d'entre les deux guerres, c'est-à-dire le langage de Le Corbusier, Gropius, Mies van der Rohe et leurs disciples, réduit les murs à des surfaaces sans épaisseur; il exalte la géométrie et la stéréométrie élémentaire, le cube, la sphère, le cylindre, la pyramide, le parallélépipède et surtout l'angle droit. Il décharne l'organisme du bâtiment, le décompose en squelette, en ossature structurelle avec sa peau de revêtement. Ce rationalisme est une interprétation qui réduit la pensée d'Einstein. En effet, le lien avec la boîte persiste. Un cube de cristal est différent d'un cube de pierre, mais il reste tout de même un cube, une figure statique. Le groupe hollandais « De Stijl» décompose la boîte en plaques et ensuite la remonte de manière à ne pas reformer une boîte close. De cette façon, il s'approche de l'espace-temps d'Einstein mais avec des processus mécaniques qui n'en saisissent pas le secret. Einstein dit: «Jussqu'à présent, notre concept de l'espace a été associé à la boîte. On remarque pourtant que les possibilités de disposition qui forment l'espace-boîte sont indépendantes de l'épaisseur des parois de la boîte même. Serait-il possible d'anéantir une telle épaisseur sans qu'il en résulte la perte de l'espace? L'espace ainsi libéré des limites de la boîte devient une chose autonome ». Une telle assertion en termes architecturaux semble paradoxale; si les parois de la boîte n'ont pas d'épaisseur, la boîte n'existe plus. On en arrive à une architecture sans édifices et c'est en réalité le véritable objectif de la révolution architecturale moderne. Il s'agit de désacraliser le bâtiment en tant qu'entité propre, que valeur absolue, symbole du pouvoir, et de déplacer l'attention sur la vie qui s'y déroule et qui est trop souvent bâillonnée, contrainte, étouffée par l'espace boîte du bâtiment. L'architecture est un système d'individus, non pas de choses. On fait le projet d'un parc qui n'a pas d'édifice, on fait le projet d'une tente démontable, ou d'une maison mobile qui ne modifient pas le «continuum» de l'espace. L'homme peut ainsi retrouver son instinct nomade piétiné depuis des milliers d'années. L'interrogatif d'Einstein concerne «l'espace sans boîte », exprime un besoin de libération qui ne peut pas être matériaalisé par des mécanismes artificieux, ni par les tendances artistiiques qui dérivent du cubisme, et pas plus abstraites pour cela.
Les limites de la pensée cubiste sont mises en évidence par une autre assertion d'Einstein «L'espace-temps n'est pas forcément une chose à laquelle on puisse attribuer une existence séparée, indépendamment des objets effectifs de la réalité physique. Les objets physiques ne sont pas dans l'espace, mais s'étendent dans l'espace. De cette manière, l'idée d'espace vide perd sa signification.» C'est un éclaircissement important au point de vue architectural. «L'espace sans la boîte» ou sans bâtiment n'est pas un ‘espace vide’ dépourvu des objets physiques”. Ces objets ne sont pas dans l'espace mais “spatialement étendus”. Ils ne sont pas des édifices-boîtes fixés tridimensionnellement dans l'espace par rapport auxquels l'élément “temps” est une notion ajoutée qui concerne le parcours du bénéficiaire. Au contraire, l'espace-temps dépend “des objets effectifs de la réalité physique”. Se matérialisant en eux. En d'autres termes, l'objet corporel exclu par le cubisme comme si il ne coïncidait pas avec “l'espaceeboîte” revient en jeu. Einstein dit: «J'essaie de démontrer commment les concepts d'objets corporels et de temps subjectifs et objectifs sont reliés l'un à l'autre et à la nature de l'expérience». Par conséquent, le dogme cubiste qui consiste à bannir de l'architecture l'objet corporel, paraît illégitime et appauvrit le panorama de la pensée d'Einstein.
Ce n'est pas par hasard que l'architecte d'Einstein a été Erich Mendelsohn, un des grands représentants du courant contraire au cubisme. La veuve de Mendelsohn, Louise, a noté chaque phase de la conception de la célèbre tour d'Einstein de Potsdam. Le protagoniste de l'opération a été le professeur Erwin Finley-Freundlich qui travaillait comme astro-physicien à l'observatoire de Neu-Babelsberg près de Berlin et qui a été l'assistant d'Einstein de 1917 à 1921 à l'Institut de physique Kaiser Wilhelm à Berlin. « Le professeur Freundlich était un de mes amis, raconte Louise, et je l'ai présenté à Erich en 1913. Ce fut le début d'une amitié qui a duré toute la vie. Erich et moi étions profondément intéresssés par la théorie de la relativité, que Freundlich cherchait à nous expliquer. Il a eu l'idée de construire une tour-télescope dans le but de commencer des recherches de physique solaire. La tour téléscope était nécessaire pour pouvoir vérifier la déviation dans le spectre solaire, déviation annoncée par la théorie de la relativité ». Mendelsohn fut ensuite mobilisé et passa un an et demi sur le front russe. En 1918, il fut déplacé sur le front français. C'est alors que, pendant les veilles de guerre, il élabora par des centaines d'esquisses prophétiques, une nouvelle vision de l'architectuure. «Le premier dessin pour la tour fut conçu en 1917 dans les tranchées de Russie ». A son retour de la guerre, il avait 31 ans, il aborda avec ferveur le thème de la tour de Postdam. « Comme on peut le deviner, le projet de cet édifice flatta et stimula énormément le jeune architecte. Il pouvait pour la première fois exposer des idées d'une architecture nouvelle liée à une conception totalement nouvelle: celle de la théorie de la relativité ». La démarche de ce projet se trouva particulièrement compliquée par l'installaation des laboratoires, qui après plusieurs essais, furent placés au sous-sol. Les moyens financiers manquaient, ainsi que la main-d'œuvre et le matériel. «La construction du bâtiment a été un cauchemar, on n'avait jamais érigé un édifice comportant des surfaces courbes si amples. Le terrain avait l'air d'un chantier naval. Personnellement, j'étais terrorisé et je rêvais fréquemment que la tour entière s'écroulait au bas de la colline. En revenant au passé, je crois que la construction de la tour Einstein a été l'épisode le plus excitant, le plus merveilleux et épuisant que j'aie partagé avec Erich. Et la voilà enfin sur la colline, planant du haut sur les terrains environnants, sur les vieux édifices telle un monument pour un monde nouveau. Einstein exprima son avis d'une seule parole: «organique». La tour d'Einstein achevée en 1921 et inaugurée le 8 décembre 1924 est le chef-d'œuvre de l'expressionisme architectural, anti-thèse de la vision cubiste. Masse pleine, dépourvue de toute surface plane et de tout angle droit, elle célèbre le corporel qui s'auto-bâtit dans le temps, jaillissant du terrain et explosant dans l'atmosphère. Matière tellurique, incandescente, fixée, à un moment de sa croissance, de son éruption. Mais elle n'est pas que matière. Les forces intérieures et extérieures sont spatiales, chargées d'énergie jusqu'au spasme, elle presse la matière du dehors et du dedans, en souligne les contours de façon plastique, la déchire pour se rencontrer. Les portes et les fenêtres ne sont pas taillées dans le mur, mais sont des déchirures grandes ouvertes par la force inouïe du paysage qui veut faire irruption dans l'édifice et par l'énergie tout aussi puissante de la cavité architecturale qui s'agite avec fureur pour s'ouvrir un passage vers le paysage.
Ici, comme dans les nombreux dessins imaginaires de Menndelsohn, réalisés à cette époque, la notion d'espace en tant que système absolu de coordonnées, est annulée. Il en va de même pour la notion de temps comme phénomène absolu. A propos de cette notion de temps, Einstein dit qu'elle est « indépendante de la position et de l'état du mouvement du système de coordonnée» et il ajoute plus tard que « une autre idée constructive a été nécesssaire: l'événement doit être localisé non seulement dans le temps mais aussi dans l'espace ».
La tour d'Einstein est réellement un événement localisé dans le temps et l'espace, un objet physique non «dans l'espace », mais «étendu dans l'espace ». Son élan dynamique pénètre chaaque fibre depuis la coupole jusqu'au souterrain. « Organique» l'a définie Einstein, c'est-à-dire anti-classique, vivante, opposée à l'absolu, relativiste, donc inventive. Quand Einstein écrit: «la physique constitue un système logique de pensée, qui se trouve en état d'évolution et dont les bases ne peuvent pas être obtenues à travers une distillation des expériences vécues au moyen d'une quelconque méthode inductive, mais seulement à travers la libre invention », nous pouvons transposer en clé architecturale: «L'architecture constitue un système logique de pensée qui se trouve en état d'évolution, dont les bases ne peuvent pas être obtenues à travers une distillation des expériences vécues, au moyen d'une quelconque méthode inductive, mais exclusivement à travers la libre invention ».
La tour d'Einstein est toujours là, elle a surmonté la tempête nazie, celle de la guerre et de l'après-guerre et elle est encore efficacement employée comme observatoire astro-physique. C'est un cas unique dans l'histoire de l'architecture, puisqu'elle est une fusion du « Sturm und Drang », de l'expressionisme et de la sciennce d'Einstein. L'extroversion émotive et passionnelle et la rigueur fonctionnelle. On peut l'interpréter en termes freudiens et même en termes schoenbergiens à cause de son éclatante dissonance par rapport à son environnement.
Nous avons donc brièvement examiné l'influence de la pennsée d'Einstein sur les deux courants opposés de l'architecture moderne, la cubiste et l'impressioniste. Quelle signification a-t-elle eu en tant que message humain? Pour répondre avec précision, référons-nous à George Steiner, aux camps d'extermination, à la technologie du meurtre de masse et à son affirmation: «La barbarie a été prépondérante justement dans l'humanisme chrétien, dans la culture de la Renaissance et dans le rationalisme classique ». Mais le langage de Le Corbusier, Gropius, Mies van der Rohe et surtout la syntaxe de Theo van Doesburg et celle du groupe « De Stijl » ont rongé à ses racines la culture de la perspective de la Renaissance, mais ils n'ont pas dépassé le rationalisme bien qu'ils aient cherché par tous les moyens à se dégager du schéma classique. Le Corbusier lui-même, qui a été le leader du renouvellement européen entre les deux guerres mondiales, est resté longtemps englué dans des recherches portant l'empreinte de la Renaissance, recherches qui se fondaient sur la proportion, sur la section d'or et sur le modulor. Son esprit cartésien l'a contraint à mener une bataille « anti-Beaux-Arts» avec des armes « Beaux-Arts» tenues en sens inverse. C'est seulement après la seconde guerre mondiale, à partir de la chapelle de Ronchamp, qu'il a abandonné le rationalisme pour l'informel et pour un maniérisme toujours prêt à offenser le rationalisme classique mais non pas à le détruire. A l'opposé, l'expressionisme architectural de Antoni Gaudi et de Erich Mendelsohn a miné le rationalisme classique, mais, étant resté une exception, une protestation, une invective périodique, il n'a pas pu transmettre un code et un langage d'alternative. Il y a eu de nombreuses tentatives de médiation entre le cubisme et l'expressionisme. Il suffit de penser à Alvar Aalto, à Hugo Haring et à Hans Sharcoun l'auteur de la Philharmonie de Berlin. On peut citer de nombreux textes d'architecture organique reliés d'une manière ou d'une autre à la tour d'Einstein de Potsdam. Cependant, l'équation d'Einstein a toujours été réduite ou trahie, soit en niant le corporel, soit en revenant à des schémas classiques et à un rationalisme illuministe ou, pis encore, à un rationalisme de la Renaissance. La vision actuelle de l'architectuure en Europe et dans le monde suscite de fortes perplexités. Elle paraît dominée par la peur et par la lâcheté, par un besoin fou de sécurité qui se manifeste en vagues de références au passé et à une poursuite désespérée d'objectifs suicidaires, faisant appel à l'humanisme chrétien et à la culture de la Renaissance et au rationalisme classique. La débâcle est énorme, gigantesque et l'optimisme est grotesque et faussement consolateur. Notre recherche concernant le rapport entre l'architecture et la pensée d'Einstein doit néanmoins se poursuivre. Nous devons aboutir à l'étape conclusive qui est celle qui dépasse le rationalisme, le cubisme et l'expressionisme, celle qui se détache non seulement de la culture de la Renaissance et du rationalisme classique, mais même du triple support de l'inhumain et de la barbarie. Il s'agit d'explorer le rappport entre « espace-temps» d'Einstein et l'architecture organique représentée par le génie de Franck Lloyd Wright.
La personnalité de Wright s'est volontairement immunisée de l'éducation des Beaux-Arts, passeport pour 1'« Establishment» de l'architecture américaine. Après avoir interrompu ses études aux Etats-Unis, il refusa une offre l'invitant à les compléter à Paris. Il ne s'est donc pas trouvé dans les conditions de devoir se débarrassser de la symétrie, de la proportion, de la consonance, de la perspectiive, ou de devoir se libérer comme Richardson et Sullivan des règles des Beaux-Arts, étant donné qu'il ne les a jamais acceptées. Il n'a rien à effacer, il part de zéro, et garde son indépendance, même pendant son long apprentissage chez Adjer et Sullivan. Il déteste « les formes vides et prétentieuses de la Renaissance, ce coucher de soleil que toute l'Europe confond avec l'aube ». Il déteste le monde Grec et Romain, le classicisme, même masqués. Le classicisme et la Renaissance sont pour lui les synonymes d'une architecture centralisatrice et répressive appartenant au pouvoir d'une architecture antidémocratique, donc contraire aux idéaux individualistes, propres à l'Amérique des pionniers.
Wright est aussi immunisé, fait exceptionnel, contre l'humanisme chrétien. Sa culture, comme l'a démontré Norris Kelly, tire ses sources de la Bible, de l'Ancien Testament. Entre la pensée hébraïque « dynamique, vigoureuse, passionnée, et souvent exploosive », - je reprends ici les termes de Thorlief Boman, - et la pensée grecque « statique, pacifique, modérée et harmonieuse », il opte pour la première. Le monde grec lui apparaît abstrait et aliénant, impersonnel et manquant de logique et de rationnel dans ce qu'il y a de plus important: la dynamique de la vie. L'architecture grecque, et plus encore l'architecture néo-héllénique, nie l'évolution. Elle se définit comme parfaite et l'on ne peut lui ajouter ni lui ôter quoi que ce soit. C'est un objet pur, un savant « jeu de volumes purs sous la lumière », selon la définition de Le Corbuusier, c'est une « boîte» raffinée et sophistiquée jusqu'à l'invraisemblable, mais privée de contenu, c'est-à-dire d'espace vécu. L'humanisme chrétien naît d'un compromis entre l'anticlassicisme biblique et l'héritage gréco-romain. En opposition avec la structuration monumentale et spatiale de la Rome impériale, les Hébreux, puis les Chrétiens, creusaient les catacombes, parcours souterrains de dizaines de kilomètres, superposés et entrelacés sans aucune trame géométrique. Les catacombes ronngent par la base la ville du pouvoir. Mais, dès que l'Eglise triommphera et se chargera des institutions romaines, l'itinéraire des catacombes, ce chemin à l'infini fait, en quelque sorte, un pacte avec les structures classiques, en assimilant les charpentes, les symétries, les conventions.
L'histoire de l'architecture chrétienne s'inscrit ainsi dans la lutte entre temps et espace, liberté et constriction, entre spiritualité et matérialisme, entre l'académisme et la créativité. Inutile de préciser que le conformisme académique gagne toujours et anéanntit les révolutions des Brunelleschi, des Michelange et des Borroomml.
Cela suffit pour mettre en lumière la personnalité de Wright, qui, pour toutes ces raisons, est la seule disponible à marcher en syntonie avec l'espace-temps d'Einstein. L'expérience de Wright est à la base de l'architecture cubiste européenne et de l'architeccture expressionniste. Paradoxalement, mais cela se justifie pleinement, les deux courants antagonistes en Hollande, le groupe « de Stijl» et 1'« Ecole d'Amsterdam» se réclament de Wright. Mais l'espace-temps de Wright n'est pas celui des cubistes ni celui des expressionnistes, mais il ne coïncide pas à la somme des deux.
Edward Frank dans son étude « Pensée organique et architecture de Wright» a démontré comment l'œuvre du maître américain incarne les positions les plus avancées, en philosophie comme en biologie, en psychologie comme en physique. Il est conscient avant tout que « l'ensemble doit être toujours considéré comme une unité entière, intègre» dont les processus sont réglés en fonction de ses exigences globales. « Dans l'édifice organique, rien n'est complet en soi-même, chaque partie se complète en se fondant dans la plus vaste expression du tout. » Le principe de la décomposition de l'objet architectural en parties, ordres, modules, plans et plaques, typiques du classicisme dans ses versions anciennnes et modernes, cubisme inclus, doit donc être écarté. Aucun composant ne peut être séparé de l'ensemble parce que, comme le dit Frank, « dans une structure organique, chaque partie possède la caractéristique d'être un noyau capable de transmettre une action ». Rien n'est statique, donc l'affirmation de Wright« la loi du changement organique est le seul principe profitable et concret que l'humanité puisse connaître. Toutes les choses procèdent en flux dans l'une ou l'autre étape de leur devenir. C'est tout ce que nous pouvons savoir. » C'est pour cette raison que la continuité entre édifice et milieu, entre espace extérieur et espace intérieur constitue l'engagement principal de Wright. Dans la physique moderne, aux notions d'espace et de temps, s'ajoute le concept de mouvement, « acquis par l'expérience et non pas connu à priori », comme le dit Max Jammer. Donc, dans l'architecture de Wright, tout est en mouvement, l'homme, l'espace intérieur et le milieu où il se trouve. Etant donné que les lieux diffèrent, que les hommmes ne se ressemblent pas et que chaque vie est différente, il est évident que chaque bâtiment doit être conçu de manière différennte et il ne peut pas y avoir des lois uniformes et standardisées. Le paysage et le territoire même, suggèrent la forme de l'édifice, ils la contiennent déjà au point d'en être exaltés. Mais même le paysage n'est pas statique, au contraire, comme l'affirme Wright« le channgement est l'unique caractéristique immuable du paysage ». Même les matériaux ne sont pas statiques: ils enregistrent le flux des événements, «ils sont tous modifiés par le temps, et euxxmêmes modifient la terre en une incessante succession de mutaations ». Il suffit de penser au chef-d'œuvre de « Falling Water », au contexte plastique spatial déterminé par le ravin, par l'escarpeement et par les chutes d'eau. De quelle manière Wright s'insèreil à ce dramatique «continuum» de la nature? Je cite Frank:
« Par l'intersection des courants opposés, de l'espace et de la matière, la construction engage activement les propriétés dynamiiques latentes du champ et en devient le tourbillon dans lequel les énergies directionnelles, spatiales et plastiques, se transforment graduellement dans leur opposé. C'est ainsi que le dense matériau de l'escarpement qui constitue les colonnes de pierre naturelle de l'édifice, vient se heurter et se fragmenter progressivement contre le puissant flux spatial canalisé par le ravin. Dans le sens contraiire, les terrasses en ciment forjetantes se projettent dans l'espace en le pénétrant et en le poussant dans les profondeurs de la construcction afin qu'il s'y définisse humainement pour le rejeter ensuite vers l'escarpement. « Falling Water» représente donc l'image simultanée de quelque chose qui se niche dans le flanc de la colliine en même temps qu'il en débouche pour entrer dans l'espace. Une telle solution transcende la dichotomie entre espace et matièère, en l'intégrant en tant qu'élément polaire d'un champ dynamiique général se rattachant à une des conquêtes de la physique moderne et Frank cite Einstein: « La victoire sur le concept d'espace absolu est devenue possible parce que le concept d'objet matériel a été substitué par le concept de champ.» Il rappelle aussi le commentaire de Jammer: « Etant donné qu'il n'est pas possible de comprendre la matière sans tenir compte de la connnaissance de l'espace-temps, la matière elle-même en tant qu'oriigine du champ, devient part de ce dernier ».
Il me semble inutile d'insister ici sur la thèse de E. Frank.
L'architecture de Wright jaillit du jeu dynamique des conditions du milieu avec l'espace vécu. Elle est morphogène parce qu'elle est constamment rattachée à la loi de la mutation et que, par connséquent, elle se « déploie» dans la nature en antithèse avec l'architecture qui se replie, qui se défend, qui se referme sur son avarice, qui se barricade contre l'homme et contre la vie, derrière les fausses idoles des dogmes académiques, se prosternant devant les veaux d'or de la symétrie, de la proportion, de la perspective, de l'harmonie abstraite et de la consonance.
La leçon d'Einstein coïncide avec celle de l'architecture organique, en clé philosophique, scientifique et créative. Elle relie la construction, l'espace-temps et l'existence humaine au contexte écologique et à l'ensemble des phénomènes, tout en défendant la liberté, l'exubérance, le courage dans sa créativité. L'homme n'est plus au centre de l'Univers. Ses lois ne sont plus axiomatiques et absolues, mais du moment qu'elles se soumettent à la relativité, il n'est plus leur esclave et il reconquiert son indépendance qui avait subi pendant des siècles la contrainte et la mortification de concepts religieux millénaires, de règlements abrutissants et de mythes et visions métaphysiques absolutistes.
Je conclus comme j'ai commencé: «La barbarie a été prépondérante dans l'humanisme chrétien, dans la culture de la Renaissance et dans le rationalisme classique» et donc, dans le domaine d'architectures repliées sur elles-mêmes et blessantes par rapport au milieu et à la liberté de l'homme. Ces architectures continuent à abîmer nos paysages et à enlaidir nos villes, hommaages aux idoles académiques qui dominent encore. L'héritage d'Einstein, de Freud, de Schoenberg et de Wright n'a pas encore été recueilli et traduit en une culture de vie capable de s'exprimer en termes quotidiens d'action et de pensée. Mais cela ne sert à rien de s'attarder sur des réflexions pessimistes ou optimistes. Nous ne pouvons qu'essayer de prendre en charge cet héritage merveilleux et inépuisable et lutter pour l'architecture et pour toutes les disciplines contre l'idolâtrie, contre « les préjugés autoritaires et sociaux» et contre « les automatismes irréfléchis et les habitudes acquises ». Ce sont là les paroles d'Einstein sur la « liberté intérieure et extérieure» de l'homme. Il n'y a pas d'alterrnative; le reste, nous le savons, hélas, aboutit à l'extermination et à l'autodestruction.